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Herseaux Ballons
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9 juin 2009

Langue germanique ou romane ?

Flandre

On ne retiendra ici que la langue "populaire", le langage de ces "gens-là", ces "gens de peu..." qui habitaient alors Herseaux/Wattrelos. Il est possible qu'une langue "écrite", donc administrative, ait rapidement abandonné le latin au profit du roman. Ceci ne signifiant pas que le "commun" ai eu le même besoin...

En simplifiant, nous aurons deux langages, sensiblement différents : le picard et le thiois.

- Le picard : il faut noter deux grandes influences dans la langue "romane rustique" : d'une part, l'apport du germanique de l'Ouest (ou "francique") et le latin. Le picard est donc une langue issue du bas-latin, celui-là même que parlait les gallo-romains, teinté du langage des Francs, donc de bas-allemand. Selon Henriette Walter il resterait 544 (?) mots d'origine francique : le vocabulaire de guerre, celui de l'ornementation, de la nourriture, de l'agriculture, sans oublier les adjectifs de couleurs (bleu, gris, brun, blanc) et de quantité (guère, trop, etc...).

- Le Thiois : du IIIe au IXe siècle, les terres de Flandre connaîtront une colonisation massive de Saxons, du Ponthieu à la Flandre (le littus saxonicum), de Frisons, de Jutes (Boulonnais), de Francs saliens, de Bataves, de Danois, etc., notre région est une « pâte feuilletée » de peuples majoritairement nord-européens, qui allaient se mélanger au fil des siècles. Ce peuple sera désigné au Moyen-Age sous le terme de thiois, traduction du bas-néerlandais théodisc, qui donnera diets, signifiant « peuple » , et parfois synonyme de « peuple néerlandais ». La Néerlande ou Bas-Pays s'étendant de la Frise à l'Artois. Nous sommes le peuple thiois !

Les vicissitudes de l'Histoire allaient se traduire par une romanisation linguistique venue du sud en même temps que l'évangélisation. Celle-ci allait peu à peu estomper en surface le caractère germanique d'origine, dont il reste cependant, dans le domaine linguistique, la langue flamande parlée dans le Westhoek, les inflexions gutturales caractérisant le picard par rapport aux autres langues romanes, langue picarde dont un grand nombre de mots est directement issu d'idiomes germaniques, l'écrasante majorité des toponymes et des patronymes, ainsi que d'innombrables signes d'appartenance au monde nord européen .

Retour aux origines donc, car il faut bien admettre que dans notre environnement, c'est bien le Thiois qui domine... Herseaux, Wattrelos, Mouscron et même Estaimpuis sont bien des toponymes germaniques, tout comme Roubaix, Tourcoing et Lille. Le reste n'est qu'affaire de pouvoirs locaux, d'influences diverses et souvent le résultat d'une  bonne part de snobisme ! Quant nos historiens locaux prétendent que " de tous temps on a parlé français dans notre région", ils font l'aveux de leur ignorance...

Maintenant, nous n'allons pas entrer dans le jeu des tenants ou des détracteurs de cette fameuse "frontière linguistique" qui n'existe pas...

Les gens d'ici et ceux qui édifièrent nos premiers "castels" au IXe siècle s'exprimaient dans un idiome encore très proche du francique.  Aujourd'hui, on admet que le proto-flamand serait bien né à cette époque, même s'il faut retenir que, durant le même temps et encore plus tard, au Moyen-Age, le Nord des Pays-Bas parlait toujours frison et que l'Est du territoire étaient toujours majoritairement saxon ! Mais ce francique des IXe / Xe siècle, ce proto-flamand du Haut Moyen-Age, reste extrêmement difficile à déterminer avec précision. Partir à sa découverte est un véritable travail d'archéologue...

Il nous reste une phrase : "Hebban olla vogala nestas hagunna / hinase (h)ic enda thu / Uuat unbidan uue nu" (Tous les oiseaux ont commencé leurs nids / si ce n'est toi et moi / Qu'attendons-nous ?). Il s'agit bien du flamand occidental du XIe s., le Thiois parlé dans la région de St.-Omer et jusque dans la vallée de la Canche (Montreuil, Etaples, Hesdin), en un temps où le Nord de la France parlait "flamand. Il faudra attendre les guerres de Louis XIV au XVIIe s. pour que des villes comme Dunkerque (Duinkerke), Arras (Atrech) ou Lille (Rijsel) deviennent francophones. "Hebban olla vogola" fait donc partie de notre patrimoine... Mais le monde évolu et dès le XIIe s. il se produit une évolution  très perceptible : les voyelles pleines en syllabe atone vont s'assourdir en "e". Et notre phrase réécrire un ou deux siècle plus tard donnerait :

"Hebben alle vogele neste begonnen..." et nous voici dans ce XIIIe s., époque où toute l'Europe se donne rendez-vous dans les villes de Bruges, Ypres et Gand. Tout un symbole, le mot "Bourse" (avec B majuscule) serait né à Bruges dans le palais de la famille van der Burse où se pratiquait au quotidien des transactions financières internationales. On allait donc "chez" les Van der Burse avant d'aller à la Bourse...

Le terme "thiois" reste donc livresque en français. Ce sera le terme "flamand" qui s'imposera.  Cette époque connaîtra une intense activité commerciale entre la France et la Flandre, ce qui favorisera l'apparition de manuels de langue ou de guides de conversation, comme le très remarquable "Livre des mestiers" publié à Bruges au XIVe s. à l'usage des étrangers désireux d'apprendre le "flamand". On constate aussi que les deux langues, le français et le flamand, avaient souvent l'occasion de se rencontrer sur les foires et les marchés des villes de Flandre et de Champagne. Il fallait vendre dans la langue du voisin... Mais il ne s'agit pas seulement de rencontre. La langue française est depuis toujours bien présente en Flandre. Non seulement le Comté de Flandre jouxte le Royaume de France, il faut encore ajouter que la Flandre dépend politiquement de la France, le Comte de Flandre étant le vassal du Roi de France. L'aristocratie flamande est bilingue par obligation, mais aussi par gôut. Elle entretient depuis toujours de nombreux contacts avec la noblesse du Hainaut, d'Artois et de Picardie. Sans oublier l'immense prestige de la littérature courtoise... C'est ainsi que notre "flamand" fourmille de mots d'origine française, des termes français médiévaux qui ont survécu jusqu'à nous : autorité (autoriteit), aventure (avontuur), fantaisie (fantasie), palais (paleis), poète (poëet), luxurieux (luxurieus), article (artikel), coton (katoen). Cette familiarité avec le français se traduit jusqu'à l'adoption de suffixes toujours très usuels aujourd'hui. Nous citerons les suffixe -ier, -age, -esse pour les noms, ou encore les suffixes en -eren pour les verbes (cesseren, accepteren, corrigeren, gouverneren...).

Pour terminer, je retiendrais cette phrase souvent citée par ma grand-mère qui, parlant des bourgeois d'Avelgem à la fin du XIXe s. disait d'eux : "... ils ne parlent flamand qu'avec leurs chevaux et leurs domestiques !". Cela dit, je reste convaincu que les "rustiques", ces "gens de peu" dont nous sommes majoritairement issu parlaient bel et bien le flamand et/ou le thiois/picard. Le français ne devenant usuel que très lentement, par petites tâches ici et là, en fonction des maîtres et des besoins.

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