Broche de Fer

« Un peu excentré par rapport au centre de la commune d'Herseaux, en dehors des grands axes routiers, ce quartier fait un peu figure d'oublié dans le Grand Mouscron. Et pourtant son histoire n'est pas banale.. »

Jean Deroubaix, MSM, « Regards sur Herseaux-Ballons », tome XV, 1993

Aujourd'hui, le nom de la « Broche de Fer » est avant tout celui d'un restaurant :

Lien internet

« ...la Broche de Fer est très connus dans le coin et sûrement certains s'intéressent à son origine ». Daniel Spriet

Daniel était mon aîné. J'ai mieux connu son frère Jean-Pierre... Cependant j'espère que ce modeste travail répondra à cette attente et que d'autres y trouveront à satisfaire leur curiosité.

Peu de personnes connaissent encore l'existence de ce carnet de souvenirs que Daniel avait rédigé durant sa pénible maladie et que sa femme, Annette, a fait paraître après sa mort. L'essentiel des textes et des, photos concernant le restaurant en seront donc extraite.

Maintenant se pose la question de l'origine de ce nom : broche de fer !

Nous sommes en 1866... l'homme se nomme Jules Lepers. Il décide de faire bâtir un commerce dans ce quartier situé sur une route mitoyenne entre Herseaux et Wattrelos. Commerce auquel il ne donne pas de nom particulier. Mais si l'on en juge par l'importance de la bâtisse, il fallait déjà que notre homme dispose de quelques moyens financiers. Et un tel investissement suppose bien évidemment la garantie d'une clientèle nombreuse , d'autant plus que déjà à l'époque ce n'était pas les cabarets / estaminets / épiciers / boutiquiers qui manquaient dans ce quartier d'Herseaux.

« A l'inverse de ce qui se passe habituellement, c'est-à-dire que l'on s'installe aux « Ballons » quelques années avant de partir en France, un citoyen de Wattrelos viendra tenir commerce au Fréchuwé (c'est sous cet orthographe que J. Deroubaix s'obstine à désigner le lieu...). Il s'agit de jules Lepers, né le 29 octobre 1835. Il s'installe à Herseaux le 28 novembre 1866, le jour de son mariage avec Julienne Rasson, une herseautoise, née le 7 janvier 1836. Le couple ouvre un cabaret – épicerie qui, au fil du temps et des successions deviendra le restaurant renommé que l'on connaît à la Broche de Fer » .

(Jean Deroubaix, « Regards sur Herseaux - Ballons », MSM, tome XV, p.158, 1993.)

Qui donc, en ces années-là, pouvait déjà avoir entendu ce nom : Broche de Fer ?

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Encore une fois, nos historiens locaux n'ont pas prit la peine de vérifier toutes les sources...

Dans son "Histoire de Wattrelos", écrite en 1865, Alexandre Pruvost énumère (p.30-31) les quartiers, hameaux et lieux-dits de Wattrelos et il termine en ajoutant :"Personne n'exigera de nous que nous rapportions toutes les autres appellations nouvelles que le peuple donne soit à d'anciens hameaux, soit à de nouveaux groupes de maisons, comme la Broche-de-Fer, le grand et le Petit-Audenarde, etc."

Ce qui démontre que la Broche de Fer était déjà bien appelé ainsi par ses habitants...

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Nous retiendrons trois hypothèses :

1 - « Une anecdote à propos du tir à l'arc : il fallut un jour échanger la flèche en bois traditionnelle par une flèche de fer: d'où la naissance du lieu-dit « la broche de fer », ainsi que l'appellation future de l'établissement » (Daniel SprietSeulement voilà, les documents sur Herseaux ne fournissent pas d'indices quant à l'existence d'une compagnie d'archers en cet endroit. Mais il s'agit cependant de la thèse la plus répandu..

2 - D'autres ont supposés que ce nom pourrait provenir du rouet utilisé dans bien des maisons de tisserands et qui possède en effet une « broche de fer »... Mais pour établir un parallèle...!!

1 - Jean Deroubaix, l'historien d'Herseaux, dans son livre « Histoire d'Herseaux » (1967) nous dit : « Broche de Fer (1846). Rue, hameau. En 1795, « Broque de fer ».

Entendant que « Broque de fer » aurait été le nom d'un cabaret, soit au hameau du St.-Lièvin (Wattrelos), soit dans le quartier lui-même. Interrogé par mes soins, Mr. J. Deroubaix m'a d'abord dit avoir effectué ce relevé sur la carte Popp qui date des années 1845/46 et qui, après vérification, ne donne aucune indication de ce genre !

Mais...

Dans la « section n° 6 » du plan de bornage de 1819 établissant la frontière franco-belge telle que nous la connaissons encore aujourd'hui, on distingue parfaitement une partie de la rue de la Broche de Fer actuelle , entre la Carrière Desmettre et le « Bas de l'Enfer ». A l'emplacement exact où s'élèvera le futur établissement de Jules Lepers, nous lisons « Broche de fer ». Dans ce cas, il semble bien que J. Lepers ait acheté un terrain sur lequel se trouvait peut-être encore un marchand de vin / cabaret ayant eu pour enseigne une « broque de fer »...

Tout simplement.

Et comme c'est souvent le cas, c'est le nom d'un commerce ou d'un cabaret qui donnera celui de la rue, du hameau ou du quartier ! Mais cela seulement un siècle plus tard...

Mr. Jean Deroubaix, dans « Regards sur Herseaux-Ballons » « MSM, tome XV, p.153/154, 1993) place ce nom à l'angle de la carrière Desmettre (?) et ajoute que ce n'était alors qu'un lieu-dit. Mais cela ne nous dit toujours pas d'où sortait cette date de 1795 ? Il serait évidemment possible que le même lieu ait déjà existé dans le langage des habitants de l'endroit, mais on ne dispose d'aucune référence...

Ci-dessus : extrait de la carte de 1819. Dans le bas, à droite, ce qui sera la carrière Desmettre; au centre, le sentier Delbart et à gauche, la rue de Mouscron. Un peu plus haut, la Broche de Fer.

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On regrettera la mauvaise qualité de la copie... Ce qui rend impossible d'identifier le nom que porte la rue. Par contre, , à partie de la carrière Dermettre et en allant vers Wattrelos, l'actuelle rue de Mouscron est appemée "Petit Tout contre"...

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Dans :

http://luingne.rues.site.voilà.fr/pageshtml/rue_de_la_broche_de_fer.htm.

M. Herpoel mentionne :"Ce nom provient de l'enseigne d'un cabaret situé St.Liévin, Wattrelos. "Broque de fer" en 1795". Sur l'origine des sources, M. Herpoel me renvois à M. Christians, l'historien de Luingne qui, dans une conversation que j'ai eu avec lui m'a dit avoir repris les indications de Jean Deroubaix ! Ce dernier, semblant ne plus très bien se souvenir, me dit que le mieux serait de voir le président de la Société d'Histoire de Mouscron...

Aux Archives de la Ville de Mouscron, les registres de population des années 1830 / 1840 ne mentionnent aucun lieu ou hameau ayant porté ce nom. Les mêmes registres de population, pour les années 1847 / 1857 portent la mention "Broche de Fer" ajouté au crayon noir... donc très probablement un ajout postérieur à la rédaction des registres eux-mêmes. En effet, à cette époque, ces registres ne donnent pas de nom de rue, mais uniquement des numéros avec, tout au plus l'indication du hameau. La seule manière de savoir qui habitait telle ou telle rue ou sentier, serait de comparer avec les registres de NMD...

A propos des registres décanaux 1847-1857, J.Deroubaix nous fournit encore quelques détails d'importance : "Nous comptons 34 maisons pour une population de 304 habitants . Les fermes sont au nombre de 13 et occupent 16 personnes (?). Ces exploitations agricoles sont souvent restreintes; on les appellent des "louages". Les journaliers forment la majeure partie de la population" (MSM, "Regards sur Herseaux-Ballons", tome XV, p. 155, 1993).

A la fin du XVIIIe siècle, l'ensemble de ce quartier est désigné sous le nom général de "Ham" que l'on retrouve en fait orthographié "Le Han"... Excepté pour le "Petit Tournay".

"Il existe déjà une activité commerciale. Les cabaretiers, au nombre de 12 et les 15 boutiquiers forment les corporations les mieux représentées. Souvent d'ailleurs ces deux professiosn sont cumulées" (J.Deroubaix, idem, p. 155).

Origine du mot "broque"

Première hypothèse :

1) "Nous deffendons que frères malades ne porte, ne ait sur lui, ne entour son lit, ne en sen huchel, ne ailleurs, coutel à pointe, ne hache, ne mache, ne fauquet, ne BROQUE DE FER, ne d'acher, ne de os ne de fust, ne de autre chose".Statuts d'hôtel-Dieu et de léproseries", Recueil de textes du XIIe au XIVe s. Léon le Grand, 1901, A. Picard et Fils.

2)"Bruquereus" : dérivé de BROQUE, bâton mince et pointu. "Du moyen picard au picard moderne", Louis fernand Flutre,1977, Musée de Picardie.

3) "Broke, BROQUE, broche : servaient autrefois à désigner beaucoup d'objets en bois ou en fer terminés en pointe. De "brocca", même signification" "Origine et formation de la langue française", Albin d'Abel de Chevallet, 1853.

4) Concernant plus spécialement le tir à l'arc (tir "au mât") :

"Pour que l'oiseau soit légalement abattu, il faut que la perche soit nette, c'est-à-dire qu'il ne doit rester à la BROCHE DE FER que la clavette simplement, sans aucune partie de la cuirasse"."Recherche historique sur les corporations des archers, des arbalétriers et des arquebusiers", Victor Fouque, 1852

"Item que tous li arbalestriers pour les dits jeuyaux, autant de fois qu'il prenderont mesure à poch et demy près de la dite vraye BROQUE, aront une verghe d'argent au pris de deux sous tournois"."Notices sur les archives de la ville de Bruges - Précis de régime provincialde la Belgique avant 1794". Archives générales du Royaume, Louis Prosper Gachart, 1833

Conclusion :

A noter que la "BROQUE", était au Moyen Age un bâton de bois pointu et la seule "arme" que pouvait posséder un serf...

Dans le cas précis du tir au mât, le terme "BROQUE (BROCHE) DE FER" y est clairement associé. Nous retiendrons donc la possibilité qu'il ait pu existé, à la fin de l'Ancien Régime, une société de tir à l'arc au mât, dont le siège aurait pu être établi dans un cabaret nommé "BROCHE DE FER" en 1819 et dont l'origine pourrait remonter aux années 1780... ou encore avant cela ! Nous admettrons alors l'explication selon laquelle on aurait un jour changé la pointe en bois pour une autre en fer... Bien que nous n'ayons aucune preuve sur cette éventualité

Quelques mots à présent sur la meilleure façon de trahir l'histoire locale en ne vérifiant pas ses sources:

Dans "Ballades à remonter le temps" sur le très officiel site de la Ville de Wattrelos :

www.ville-wattrelos.fr

... qui reprend l'explication de Daniel Spriet sur l'origine du nom Broche de Fer. Et qui ajoute :

"...mais l'appellation remonte bien plus loin, car en 1770 (?), il est fait mention, dans un rapport de douane (... en 1770, il n'y avait PAS de douane!) du cabaret du "Petit singe" à la Broche de Fer..."

Dans ce cas précis, je crains fort que l'auteur ait écrit n'importe quoi... car les "trois Petits Singes", établissement tenu par Albert et Marie a effectivement existé rue de Mouscron (Wattrelos) depuis 1960 jusque dans les années 1975...

Deuxième hypothèse :

Une broche de fer, telle qu'on les employait dans le textile à domicile.

"Dans nos villages, on appelle "abrouche", des "abrouches", la filasse de lin ou de chanvre qui a été peignée et dont on garnit la quenouille . On dit de quelqu'un qui a beaucoup à faire pour démêler des difficultés et arriver à ses fins : "Il a gramment d'abrouches as quénoule". Ce mot "abrouche" s'écrivait "abroche" (on sait que l'o se prononçait comme la diphtongue ou); "abroche" est formé de la particule a, ad, et du subjonctif "broche". Une "broche" est une sorte de cheville ou bâton pointu qui forme la quenouille. On appelle "broque" le fil de fer dont on se sert quant on file au rouet. Vous savez bien qu'à Lille en Flandre, la fête du "Broquelet" est la fête des fileuses et des dentelières". "Remarques sur le patois", page 169, Enée-Almé Escalier et Eugène-Alexis Escalier, 1856.

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Le rouet et sa broche. Photo perso, Musée de la Tradition, Wattrelos (23 jan.2007)

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Troisième hypothèse :

C'est cette hypothèse que je privilégie, parce qu'elle me semble la plus réaliste.

Etymologie:

a) Du bas latin "broca" : "vendere vinum ad brocam" = vendre du vin au détail, au vase à bec, au broc.

b) "brotos" pour "borotos", dans l'ancien irlandais "brot". "Dictionnaire des racines celtiques", Pierre Malvezin, 1907, Société française de filologie.

1) "Traieur de vin : tireur de vin, marchand de vin au détail"

Ex:"Il donne as compagnon traieurs de vin à BROQUE, pour boire ensemble, après qu'ils auront porté son corps à se sépulture, 100 s". (Testament du 12 juin 1400). "Supplément au glossaire de la langue romane", Pierre Auguste Augus, Maurice de Pompigny, 1820

2) "Les privilèges concédés aux couvents donnèrent lieu, dans maintes circonstances, à des démêlés commerciaux. Pour n'en citer qu'un exemple, une discussion de ce genre s'éleva, vers la fin du XIIIe siècle entre les frères de la maison du Temple, à Ypres, et les échevins de cette ville, au sujet du vin que l'on vendait "à BROQUE", c'est-à-dire au détail, sur le territoire des Templiers. Ce différent fut aplani par Godefroid de Vicherie, visiteur général de la milice du Templs en France et en Angleterre, qui engagea ses confrères à renoncer au débit du vin par "BROQUE" sauf à continuer à le vendre en gros et par pièces. "Histoire du commerce et de la marine", tome I, Jean van Bruyssel, 1861

3) "... dans le commerce des vins tarifiant le prix au détail ou, comme on disait, "du vin vendu à BROQUE". "Bibliothèque de l'Ecole des hautes Etudes, 1906

4) "Et que nul ne traiche vin à BROQUE...". "Code des Seigneurs Hauts-Justiciers", Jean Henriques, 1771

5) "Sur chaque tonnel de vin, vendu à BROQUE..." "La vie municipale au XVe s. dans le Nord", Calone d'Avesnes, Albéric, 1880

Conclusion :

Nous voyons que le terme "BROQUE" désigne une mesure destinée à la vente du vin au détail. La meilleure manière de signaler un endroit où cette vente se pratiquait était l'enseigne, symbolisé par une "broque de fer", que l'on plaçait sur le mur d'un commerçant, d'un cabaret ou d'une auberge.

Une dernière remarque : il n'y a pas si longtemps, les "anciens" du quartier n'auraient jamais dit : "Je vais à la Broche de Fer...", mais "J'va al Broque de Fer...". Les tenants de la langue française (sic), persuadés que le mot "broque" ne pouvait être que le terme patois correspondant à "broche" en ont fait le nom que nous connaissons aujourd'hui. Or, ce terme de "broque", n'est pas du patois picard, mais bien une mesure pour le vin, utilisé depuis des siècles, comme nous l'avons vu plus haut.

La Broche de Fer

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